La ministre souhaite "réfléchir à la pertinence des critères retenus pour ce logiciel au regard des besoins d'enquêtes", selon son entourage.
Le logiciel Ardoise, destiné à alimenter un futur fichier commun police-gendarmerie, devait mettre en évidence un certain nombre de données et de profils, classés par rubriques et destinés, selon ses concepteurs, à "cerner" la victime ou le présumé auteur des faits.
Ce sont ces rubriques qui ont suscité un tollé : le policier est invité à cliquer par exemple sur "homosexuel", transsexuel", "travesti", "relation habituelle avec personne prostituée", "usager de stupéfiants" ou encore "permanent syndical".
"La ministre a décidé de suspendre la phase de test d'expérimentation en cours de ce logiciel", a donc annoncé son cabinet mardi. La déclaration de MAM, en fin de semaine dernière, selon laquelle Ardoise ne présentait "aucun risque d'attenter à quelque liberté que ce soit", semble donc oubliée. Elle "a entendu les craintes qui se sont manifestées en raison de (ces) critères", a précisé l'entourage de Michèle Alliot-Marie. Mais, dans le même temps, la ministre souhaite prendre en compte "les besoins opérationnels" des services de police et de gendarmerie. Elle a entamé "une réflexion, avec l'expertise de la direction centrale de la police judiciaire, pour réétudier ces points et leur éventuelle pertinence réelle avec les besoins des enquêtes", précise la Place Beauvau. Il s'agit, selon le ministère, de "corréler les besoins de la police et de la gendarmerie avec le respect des libertés individuelles".
"Nous prenons acte de cette décision empreinte de sagesse et de responsabilité", réagit le Collectif Contre l'Homophobie (CCH) qui a notamment saisi la Cnil (Commission Informatique et Libertés) et la Halde après avoir révélé cette affaire. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) avait alors demandé à la ministre des "précisions" et des "éclaircissements" sur le logiciel.
"Nous proposons à Madame Alliot-Marie de mettre sur pied un groupe de travail réunissant des membres de son ministère, des représentants syndicaux de policiers et des militants d’associations de défense des droits de l’Homme. Ce groupe de travail pourrait examiner la compatibilité des fonctionnalités du logiciel Ardoise avec la protection des données personnelles recueillies et consignées dans ce logiciel", suggère Hussein Bourgi, le président du CCH.
Il appartiendrait ensuite au Ministère d’accomplir les démarches préalables et obligatoires auprès de la Cnil - pour obtenir son agrément - et auprès du Conseil d’Etat - pour obtenir sa validation.
> Réactions et pression
Après la prompte alerte donnée par le Collectif Contre l'Homophobie, il ya un peu plus d'une semaine, SOS Homophobie et l'Inter-LGBT ont soutenu la demande de suspension d'Ardoise. Le Parti Socialiste et les Verts ont réagi à leur tour dans le même sens. Deux syndicats de policiers ont également manifesté de sérieuses réserves. Hier, l'Union nationale des associations de lutte contre le sida (Unals) a annoncé la mise en ligne sur son site Unals.org d'une pétition contre le logiciel. Le texte réclame que soient "éliminés de ce logiciel les items préétablis désignant et stigmatisant des catégories de personnes" et "de ne pas faire apparaître des renseignements relatifs à d'éventuelles circonstances aggravantes de l'infraction dans la rubrique intitulée 'état de la personne'". Le syndicat Force ouvrière redoute pour sa part "que le fichier puisse servir à d'autres desseins que celui du traitement pénal des informations".
Mis en ligne le 23/04/2008
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